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LA REVOLTE DES ANIMAUX
La révolte commença Il y a quelques jours dans l’étable d’un hameau situé dans les causses lozériens.
Aussi pourquoi les paysans commettent-ils l’imprudence de laisser si souvent ouverte la porte qui sépare la cuisine de l’écurie ?
Depuis qu’il y a la radio dans les fermes les animaux entendent des choses qu’ils ne devraient ignorer.
Bien sûr ils ne comprennent pas tous le langage des hommes mais dans la ferme dont nous parlons il y avait une vieille vache très sage qui à force de se faire insulter par son ivrogne de maître avait appris le français et même le patois.
Et ce qu’elle entendait à la radio la remplissait d’indignation.
Écoutons-la discuter avec son compagnon d’écurie un cheval d’à peu prés son âge.
- Je ne comprends plus ce que fait le bon Dieu, lui le père des hommes et des animaux, ma mère la Roussette m’a appris que les humains sont plus sages que nous et que Dieu à la création du monde leur a permis de nous dominer. Il nous a ordonné de leur obéir docilement. Nous leur donnons le lait pour nourrir leurs enfants, nous traçons leurs sillons, tirons leurs voitures, et offrons notre vie pour qu’ils puissent manger notre chair et se tailler, des chaussures avec notre peau.
- J’acceptais cette soumission tant que je croyais que les hommes étaient plus sages que nous, mais aujourd’hui j’ai entendu la machine parlante et je me rends compte qu’ils sont fous, je croyais qu’ils ne tuaient que pour manger, mais non ! c’est pour le plaisir de se dominer les uns les autres et c’est absurde, je ne veux plus travailler pour eux, il faut se révolter !
- Mais tu ne peux pas dit le cheval, regardes les autres animaux sont dociles le maître n’a qu’à siffler les chiens accourent. A quoi bon faire autrement puisque c’est la loi de Dieu.
- Laisses moi faire, il faut obtenir de Dieu qu’il nous permette de nous révolter, il faut lui parler j’ai une idée.
Le lendemain la vache était au pré, elle appela l’alouette. Elles eurent une longue conversation puis l’alouette s’élança dans les airs, tout droit vers le ciel et ses trilles au fur et à mesure qu’elle s’élevait devinrent de plus en plus faibles et finirent par s’éteindre tout à fait.
L’alouette se posa sur les genoux de Dieu. En souriant le créateur la prit dans sa main et l’éleva jusqu’à son oreille.
L’alouette lui fit part des doléances des animaux.
- Soit répondit Dieu dont la figure s’était assombrie en pensant aux hommes, je vous permets de vous révolter mais je vous défends de toucher à la vie de l’homme, il y a assez de sang versé sur terre comme cela, mais donnez leur une bonne leçon !
L’alouette se laissa tomber sur terre à côté de la vache et lui répéta mot pout mot ce que lui avait dit
Dieu.
Ayant écouté la vache lui dit :
- Convoques ici pour demain tous les oiseaux du monde, fais passer la nouvelle de becs à becs.
Le lendemain matin de bonne heure le ciel fut noir d’oiseaux. Le paysan et sa femme sortant de chez eux s’épouvantèrent.
Il y en avait de toutes les tailles et de toutes les couleurs, depuis l’aigle royal jusqu’à l’oiseau mouche,
du rossignol aux plumes rousses à l’étincelant oiseau de paradis.
- Allez vite par le monde leur dit la vache annoncer à tous les animaux que Dieu leur permet de se révolter contre
l’homme et que les hostilités commenceront dans une semaine, mais attention que personne n’attente à la vie des hommes cela Dieu le défend !
Et les oiseaux se dispersèrent, pour huit jours la terre reprit son aspect normal. Mais au bout de ces huit jours !... Quelle ne fut pas la stupéfaction de tous les paysans du monde qui s’apprêtaient à mettre le joug aux boeufs et à atteler les chevaux de se heurter à leur refus. Fièrement les animaux réputés stupides redressèrent la tête et s’affranchirent du joug et du licol, les vaches ne donnaient plus de lait, les poules ne pondirent plus et les chiens avec un drôle de sourire au coin des babines partirent et ne revinrent plus.
Les paysans se dirent :
- Bah ! on les reverra à l’heure du repas, mais ils se trompaient.
Les animaux sans avoir l’air de rien se laissaient approcher mais dès que les hommes croyaient les tenir, ils s’enfuyaient. Les hommes effrayés décidèrent de reprendre coûte que coûte l’autorité sur les bêtes et leur déclarèrent la guerre, pour une fois ils en oubliaient leurs querelles d’humain et s’unirent contre le danger commun.
- Nous en tuerons quelques uns et les autres se soumettront pensèrent-ils.
Mais cela n’arriva pas, les animaux les premiers prirent l’offensive. La nuit pendant que les hommes dormaient.
Les lapins envahirent les champs et les jardins, ils dévorèrent tout ce qui s’y trouvait, le blé, les choux et les carottes et les légumes de toutes sortes.
C’était un blocus de la faim et quand les hommes se réveillèrent toutes les récoltes avaient disparues.
Ce fut la plus drôle et la plus inattendue des guerres. Chaque animal avait son rôle et ses responsabilités :
Les petits oiseaux : servaient de courrier et d’estafettes, ils portaient partout les ordres de la vieille vache,
les gros oiseaux d’avions d’observation, ils découvraient les mouvements de l’adversaire, les hiboux de chasseurs de nuit, les chiens de sentinelles et d’adjudants chargés de la discipline. Les chats servaient d’éclaireurs qui avancent sans bruit, les coqs de clairons, les chevaux de cavalerie et les chèvres de chasseur alpins, les vaches d’infanterie, les rhinocéros de chars d’assaut, les crocodiles de sous marins, les girafes d’observateurs terrestres. Les abeilles s’occupaient du service d’intendance et d’approvisionnement, les perroquets de speaker radio, les caméléons du camouflage des troupes.
Les lions et les tigres se chargèrent de répandre la terreur chez l’adversaire. Les taupes étaient les mineurs afin d’effondrer les barrières et les moustiques eux se livraient à la guérilla pour harceler l’ennemi.
Cette guerre ne dura pas longtemps car privés de viande, de lait et de légumes ainsi que de toutes les matières premières les hommes se trainaient dans leurs villes improductives et leurs villages dévastés.
Ils implorèrent Dieu. Et Dieu leur répondit :
- Les animaux ont raisons, ils ne veulent plus vous obéir car vous êtes trop méchants, si vous voulez reconquérir votre respect et être obéis renoncez à vous entre tuer et les bêtes vous seront à nouveau soumises.
- Soit répondirent les hommes.
L’armistice fut conclu et la paix signée. Tout rentra dans l’ordre, les animaux redevinrent dociles ils recommencèrent à servir les hommes et ceux-ci fermèrent les usines de guerre et construisirent à la place des églises et des écoles.
La paix était revenue sur terre grâce à une vieille vache très sage qui comprenait le français mais pour combien de temps ? Car l’homme est intelligent mais il a la mémoire courte !